Economiste de la santé, Issa SISSOUMA a travaillé à l'Union Technique de la Mutuelle du Mali depuis mai 1998 comme Responsable au Développement avant d'en devenir le Directeur général en septembre 2006. Il est membre du Comité Consultatif de la Mutualité Sociale au sein de l'UEMOA.
Expert en Développement des mutuelles de santé, il a effectué des missions au Burkina Faso, Togo, Bénin, en Guinée Conakry et au Mali dans le cadre de la mise en place de l'assurance maladie obligatoire. Il répond à nos questions.
Pourriez-vous nous présenter votre structure et le rôle qu'elle joue ?
L'UTM a été créée en avril 1998 et agréée par le département de tutelle des mutuelles au Mali. Elle est la structure faîtière des mutuelles.
Son objectif principal est d'améliorer l'accessibilité financière de la population malienne aux services sociaux et principalement à des soins de santé de qualité. Elle a pour objectif :
D'assurer le développement du mouvement mutualiste sur toute l'étendue du territoire national,
De bâtir une industrie de gestion de l'Assurance Maladie pour le secteur informel,
De représenter et défendre les intérêts des mutuelles de santé auprès des pouvoirs publics et/ ou privés nationaux, des instances et institutions internationales, des professionnels de santé et autres partenaires,
Assurer la cohésion et la coordination des groupements adhérents, en faisant respecter les règles établies à cet effet,
A ce titre, elle a pour mission de :
Assurer des services communs de gestion des garanties pour ses groupements membres ;
Réaliser des études et recherches ayant un impact sur le développement des groupements membres ;
Veiller au bon fonctionnement des mutuelles en leur apportant :
un appui technique et des conseils,
des prestations de services pour toutes les actions de communication, de gestion, d'administration, financières ou de commercialisation,
de la formation au profit des administrateurs et du personnel technique.
Favoriser tant la définition que l'évolution du mouvement mutualiste, grâce en particulier à la tenue de congrès nationaux ou d'assemblées générales ;
Gérer les activités suivantes :
caisses de réassurance mutualiste,
fonds de garantie,
fonds de formation des administrateurs, militants et personnel salarié,
un pôle de formation.
Son rôle est de :
représenter les usagers auprès des services sociaux et sanitaires,
évaluer les risques, concevoir et/ou distribuer des garanties pour les couvrir
prendre part à l'effort de recherche et d'innovation dans le domaine de la protection sociale,
contribuer à la sensibilisation de la population, à la promotion et à la prévention de la santé et la mobilisation sur des projets solidaires,
participer aux réflexions nationales sur les stratégies d'extension de la protection sociale aux populations des secteurs informel et rural,
etc.
Quelle est la situation actuelle du Mali en matière de couverture santé et quelles sont les perspectives d'évolution ?
Pour la couverture Santé au Mali, le Gouvernement a institué depuis 2010, un régime d'Assurance Maladie Obligatoire (AMO) pour les travailleurs du secteur formel (fonctionnaires de l'Etat, du privé, les parlementaires, les corps habillés, etc.) et leurs familles, représentant environ 17% de la population et un Régime d'Assistance Médicale (RAMED) pour les indigents, représentant environ 5% de la population. Les mutuelles de santé ont été retenues comme mécanisme devant couvrir les travailleurs des secteurs informel et agricole, représentant la grande majorité, soit environ 78% de la population. Dans ce cadre, une stratégie nationale d'extension de la couverture maladie par les mutuelles de santé a été adoptée par le gouvernement en février 2011. Une phase test de cette stratégie a été conduite sur trois régions du Mali sur la période 2012-2014. La crise politico-sécuritaire que le pays a connue en 2012 et les difficultés qui en ont découlé n'ont pas permis la mise en œuvre optimale de la phase pilote. L'évaluation de la phase pilote de la stratégie d'extension des mutuelles vient d'être bouclée. Le taux de couverture santé de la population est estimé en fin 2013 à environ 10.6%.
Concernant les perspectives, le Mali perçoit la couverture maladie universelle comme une trajectoire. A ce titre, a été élaborée une politique de financement visant à couvrir 50% de la population en 2025 selon les prévisions. Les bases de cette réforme majeure seront posées à partir de 2018.
Ainsi, s'agira-t-il dans un premier temps de faire la refonte de tous les mécanismes actuels, pour arriver la mise en place d'une caisse unique de gestion de la Couverture Maladie Universelle (CMU). Cette caisse travaillera avec des Organismes Gestionnaires Délégués (OGD) notamment la Caisse Malienne de Sécurité Sociale (CMSS) pour la gestion des fonctionnaires de l'Etat, l'Institut National de Prévoyance Sociale (INPS) pour la gestion des travailleurs régis par le Code du travail et la Mutualité à travers les mutuelles et leurs faîtières, pour la gestion des travailleurs des secteurs informel et agricole. Ce rôle imposera aux mutuelles une structuration pour mieux assurer cette mission.
D'après vous, quels rôles devront jouer les mutuelles dans l'extension de la couverture santé ?
Le Mali a pris l'option des mutuelles, en considération de certaines valeurs sur lesquelles le pays veut bâtir son système de santé à savoir la solidarité, l'équité, la justice sociale qui sont défendues par les mutuelles et qui représentent les valeurs fondamentales au cœur même de la mutualité.
En effet, tout ce qui peut être relevé comme tare à l'encontre les mutuelles, a existé simplement parce qu'elles n'ont jamais reçu (ou n'ont que partiellement reçu) l'accompagnement et l'appui nécessaire à leur développement, surtout de l'Etat.
En leur confiant un rôle précis et clair dans le processus d'extension de la couverture maladie, notamment pour la gestion de la frange de la population dont elles connaissent les caractéristiques, donc en leur mettant à disposition tous les moyens nécessaires, elles sont en mesure de jouer un rôle prépondérant.
Plus concrètement, il s'agira pour elles d'assurer l'enrôlement, l'immatriculation, la collecte des cotisations, la prise en charge et la gestion du risque d'un certain niveau de prestations. Elles maintiendront leurs principes de base essentiels dont la redevabilité à l'endroit de l'Etat et de leurs membres. Les mutuelles à travers l'Union Technique de la Mutualité sont impliquées dans le processus de mise en place de la couverture maladie universelle. Ainsi, elles sont membres du comité de réflexion pour l'opérationnalisation de la couverture maladie universelle.