Laurent MAGNANT est le Président de la Commission international et Europe de l'Union Harmonie Mutuelles. Créée en 2004, l'Union Harmonie Mutuelles rassemble aujourd'hui les mutuelles Harmonie Mutuelle, Mare-Gaillard et Harmonie Fonction Publique. Avec 5 millions de personnes protégées, elle est un acteur incontournable de la protection sociale en France. Son ambition est de proposer au plus grand nombre une couverture santé et prévoyance ainsi que des soins et services de qualité.
Que retenez-vous de l'Assemblée Générale Constitutive de la MUTREPCI du 12 Janvier 2017 ?
Cette AG a rappelé à ma mémoire, des évènements similaires auxquels j'ai participé par le passé dans mon pays. Cela m'a permis de réaliser que les problématiques sont identiques d'une zone à une autre.
Le côté positif c'est le fait que les mutualistes ivoiriens aient compris que seule l'union pourra faire leur force. Je note que l'union n'est pas un fait évident parce que cette pensée est souvent remise en cause par les intérêts personnels des uns et des autres. Pourtant les regroupements sont impératifs, inéluctables, et si les mutuelles ne le comprennent pas elles finiront par mourir.
Cette Assemblée Générale a été un moment très important. Cependant, il faut garder à l'esprit que même s'il a été difficile d'en arriver là, d'autres difficultés sont à venir. Il y aura des écueils et des obstacles, mais je pense que l'enthousiasme des acteurs, leur implication et les valeurs qu'ils défendent leur permettront de les surpasser. A mon sens cette mutuelle naissante aura à faire face à deux défis majeurs :
Le premier défi va reposer sur l'équilibre prestations-cotisations. Le gros inconvénient c'est qu'il n'y a aps d'historique commun en termes de dépenses et de coûts. Il est donc difficile d'évaluer les cotisations en fonction des prestations, sachant qu'il n'y a aucune donnée statistique fiable sur la consommation des médicale. Le fait de créer une nouvelle mutuelle et d'assurer de nouvelles personnes risque de provoquer une consommation de médicaments ou de soins importante. Le premier défi va donc être d'ordre financier. Si ce défi n'est pas relevé, la mutuelle pourrait disparaitre. Cependant, l'obstacle insurmontable puisqu'au fur et à mesure de l'évolution de la mutuelle, celle-ci commencera à disposer de premiers chiffres qui permettront d'établir les équilibres.
Le deuxième défi, qui est commun à toutes les fusions de mutuelles, c'est celui de la gouvernance. C'est la bonne représentation de chacune des mutuelles fondatrices, des différentes catégories d'adhérents, qui fera la réussite de cette gouvernance. Je pense déjà que le premier palier a été franchi avec la constitution du premier Conseil d'Administration. Je ne connais pas la durée usuelle des mandats ici en Côte d'Ivoire, mais je pense en toute franchise qu'il faut du temps pour réussir à réaliser des actions concrètes. 3 ans c'est court. Chez nous en France nous faisons des mandats de 6 ans et malgré cela nous nous retrouvons face à un souci de temps. Ils feront donc face à un autre obstacle, celui du temps pour réaliser des choses concrètes. Mais j'ai rencontré des gens très motivés, très enthousiastes qui partagent les mêmes valeurs.
Déjà dans nos différences structurelles, économiques ou sociales, il est toujours enrichissant de s'imprégner des échecs et des réussites des autres. Je n'ai aucun doute sur la réussite de cette expérience. C'est bien la raison pour laquelle je suis présent à cette assemblée au nom de l'Union Harmonie Mutuelles.
Vous avez assuré aux mutualistes ivoiriens que l'Union Harmonie Mutuelles sera à leur coté pour les aider dans leur marche. En quoi va consister ce partenariat naissant ?
La première étape de ce partenariat avec la Mutualité Ivoirienne c'est le partage d'expérience, le rapprochement. Mon expérience à l'international m'a appris que les premières réussites sont humaines avant tout. Il faudra dans un premier temps apprendre à se connaitre et à se respecter. Lorsque cette étape sera franchie, il y aura un autre pas à faire celui de l'identification des besoins et apports des différentes parties. Le terme économie devra forcement s'imposer à un moment. Nous aurons ce genre de débat bien entendu au niveau de la commission internationale que je préside, afin par exemple de déterminer ce que nous pouvons apporter aux ivoiriens vivant en métropole française et ce que nous pouvons apporter aux français vivant en Côte d'Ivoire. Je pense vraiment que chacun peu apporter à l'autre si tous les préalables sont respectés.
Il ne faut pas oublier non plus qui nous sommes et pourquoi nous sommes là. Je me rappelle d'une époque, où j'avais moins de responsabilité. En tant que simple délégué à une assemblée générale, je représentais les adhérents de ma mutuelle et j'étais là uniquement pour défendre leurs intérêts. Il ne faut pas oublier nos valeurs mutualistes, le sens de notre action et ce que doivent être nos priorités.
Vous faites partis des neuf structures françaises qui ont initié et qui financent le programme PASS. Après cette visite sur le terrain, pensez-vous que le PASS répond aux missions qui lui ont été assignées ?
D'abord il faut dire que j'ai été très surpris. Nous avons accepté de financer une opération comme le PASS qui n'était que sur le papier. Au départ en effet nous avions jugé le Programme PASS sur des présentations type PowerPoint très séduisantes. Quand on est loin du terrain on se dit : « oui tout à fait je comprends … Ce n'est pas mal… », Et on passe à autre chose, puisqu'on a beaucoup de sujet à traiter.
Mais lorsqu'on arrive sur le terrain et que l'on rencontre une équipe avec laquelle on discute, lorsque l'on entend chaque membre présenter ses activités, ses attentes et parler de son engagement, on est surpris de voir la densité du travail abattu et surtout l'importance des dossiers traités, comme celui du secteur informel ou des agriculteurs. Ce sont des choses concrètes qu'on ne voit pas de loin. Il faut venir sur le terrain pour en avoir conscience.
Ce qui m'a aussi étonné c'est l'implication de l'équipe dans la quantité de travail, parce que finalement, il y a énormément de choses à faire, en adéquation parfaite avec les vrais valeurs mutualiste que nous défendons. Je suis très séduit et enthousiaste par rapport à l'action du PASS. J'ai d'ailleurs renouvelé le soutien qu'Harmonie Mutuelles apportait au projet et qu'elle continuera d'apporter. Je pense qu'il y a des choses encore à faire, pas par l'équipe du Programme PASS, mais par les financeurs et les mutualistes. Je pense qu'ils pourraient et doivent aller plus loin. Les mutuelles, qu'elles soient en Afrique ou en Europe ont toutes intérêt à ce que la mutualité se développe partout et impose son model d'économie sociale. La santé n'est pas un commerce mais un droit, que l'on ait des revenus ou non. Nous nous battons pour cela et ici en Afrique, cette lutte prend tout son sens.
Je viens d'un pays ou la mutualité est un peu vieille et où l'on s'endort un peu sur ses lauriers, il ne faut pas se le cacher. Mais en venant ici et c'est quelque chose qui m'a frappé, c‘est qu'une grande partie de la population est exclue de ce droit à la santé et il y a énormément de travail à faire. Cela donne tout son sens à l'engagement mutualiste. C'est à la fois désolant parce que ça n'avance pas vite, mais en même temps enthousiasment parce qu'il y a énormément de choses à construire et cela fait partis de nos idéaux.