Le docteur Corneille Traoré est le Directeur de la Santé, de la Protection Sociale et de la Mutualité à la Commission de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA). A la faveur d'un atelier tenu à Abidjan sur la rédaction d'un projet de règlement pour la prise en charge des risques longs par les mutuelles, le docteur revient sur les actions de l'UEMOA concernant la protection sociale et la couverture du risque santé, ainsi que les chantiers de son département.
Quel est le rôle de la commission de l'UEMOA en matière de santé et de protection sociale ?
Que ce soit en santé ou en protection sociale, la Commission de l'UEMOA travaille à coordonner les politiques et les programmes de santé de ses huit pays membres. Dans cette coordination, nous essayons d'harmoniser et de rapprocher les actions des différents pays principalement celles liées aux priorités sanitaires, aux règles et normes de mise en œuvre des soins de santé publique.
Nos programmes sont surtout des programmes d'appui aux pays membres pour leur permettre de mener à bien leurs politiques. La Commission a cependant un principe d'intervention selon lequel elle ne se substitue pas aux Etats pour réaliser des activités mais les accompagne plutôt en apportant sa part de valeur ajoutée.
En protection sociale particulièrement, nous avons un programme axé sur la couverture du risque maladie. Nous appuyons donc les pays à définir et à conceptualiser leur programme de couverture du risque maladie. La plupart d'entre ces pays se sont engagés dans un Programme de Couverture Maladie Universelle et nous pensons que la Commission a un rôle à jouer pour non seulement permettre les échanges entre les Etats, mais aussi pour les renforcer en leur donnant les capacités et les opportunités de découvrir les bonnes pratiques qui se font ailleurs.
Par ailleurs, la Commission aide les pays à mettre en œuvre le règlement des mutuelles sociales au sein de l'UEMOA.
Quelles sont les évolutions notables au sein de la commission et quelle place occupe la mutualité dans cette organisation (UEMOA) ?
Sur le plan des programmes, au cours de l'année 2015, nous avons essayé de mieux formaliser le programme de santé et de protection sociale. Nous l'avons réécris afin de répondre plus efficacement aux besoins des Etats membres. Nous pouvons également noter le projet d'appui à l'extension de la couverture du risque maladie qui est maintenant en fin de première phase. Nous sommes néanmoins en négociations avec nos partenaires en vue de le prolonger.
L'UEMOA a très tôt essayé de répondre aux besoins des Etats en accompagnant les acteurs dans la création, le fonctionnement, la structuration des mutuelles. Le règlement n°07/2009/CM/UEMOA portant réglementation de la mutualité sociale adopté en 2009 en est une preuve. En outre, l'UEMOA a la conviction que les systèmes de couverture santé universelle ne pourront pas de développer sans la contribution des mutuelles bien que celles ci aient certaines difficultés.
En perspective des systèmes de couverture santé universelle, il faut revoir le fonctionnement des mutuelles, les structurer et les adapter à leur nouveau rôle. Par conséquent, toutes les mutuelles qui se développent de façon locale ou communautaire doivent avoir plus d'ambition, plus d'envergure pour amener les populations au niveau de leur communauté de base à adhérer aux politiques nationales de Couverture Maladie Universelle définies par les Gouvernements.
Aussi, la Commission continue à travailler avec les Etats pour une mise en œuvre effective du Règlement susmentionné. Une fois entièrement opérationnel, ce cadre juridique viendra fortifier, renforcer les mutuelles, leur permettre d'avoir plus de possibilités pour mobiliser leurs adhérents et se structurer. Nous sommes en train de travailler actuellement sur la possibilité de prise en charge des risques longs par les mutuelles, afin de compléter le règlement. Nous travaillons par ailleurs toujours à la mise en place des organes administratifs de la mutualité sociale. Pour revenir à la Couverture santé universelle, notons que les mutuelles selon les différentes lois votées, pourraient avoir un rôle d'organisme de gestion délégué de la Couverture Maladie Universelle. Aussi, nous avons tenu des ateliers dans chacun des huit pays sur l'articulation entre les mutuelles et les Programmes de Couverture Maladie Universelle. Notre mission est d'autant plus utile que tous les pays qui ont mis en place la structuration de leur Couverture Maladie Universelle ont prévu une place importante pour les mutuelles. Nous sommes dans des pays où 80% de la population exerce dans le secteur informel.
Les mutuelles de par leur proximité avec les populations, pourraient ainsi être des portes d'accès à ce secteur.
En récapitulant, il est bon de retenir que notre 1er chantier c'est de contribuer à la mise en place des organes de la mutualité sociale dans tous les pays de l'UEMOA. La Commission a pour rôle de continuer à soutenir les Etats dans cette mise en œuvre, ils doivent mettre en place l'Organe administratif qui doit être une agence ou une structure suffisamment autonome. Cette agence doit mettre en place le registre d'immatriculation des mutuelles et chaque pays doit pouvoir à terme mettre sur pieds un fonds national de garantie pour les mutuelles sociales. Parallèlement nous sommes aussi sur le chantier de l'articulation entre les mutuelles et les programmes de couverture maladie universelle.
Parlant des organes de régulation, quelles sont les difficultés rencontrées dans leur mise en place ?
L'une des difficultés de mise en place des organes de régulation est que certains gouvernements considèrent que ces structures doivent être rattachées à un ministère alors qu'au sens du Règlement, elles sont censées être autonomes.
Cette difficulté avait été relevée pendant l'élaboration du règlement communautaire sur la mutualité sociale. Alors que certains pays estimaient qu'une Direction rattachée à un ministère suffisait, d'autres ont opté pour une structure suffisamment autonome afin d'accélérer le développement la mutualité. C'est cette dernière tendance qui a été retenue par consensus.
La Commission travaille avec les Pays au cas par cas afin d'apprécier la meilleure formule à adopter pour respecter le règlement, issu de la volonté des Etats eux mêmes.
Nous sommes engagés sur le chantier de l'articulation entre les mutuelles et les programmes de Couverture Maladie Universelle et si nous arrivons à renouveler notre projet sur l'extension de la couverture du risque maladie nous allons encore appuyer les Pays dans ce sens. Le chantier est énorme, beaucoup de pays sont encore au stade de définition du cadre. L'UEMOA s'engage auprès des Etats pour leur apporter sa contribution afin de leur permettre d'éviter certains écueils et de bénéficier de l'expérience des pays les plus avancés. Les pays en fonction de leurs réalités ont déjà choisi leurs modèles et leur système. Notre apport consiste à enrichir les modèles sans les modifier.